Ce mardi 25 novembre 2025, Eurobiomed, le CHU de Nîmes, Med Robotics Place et Nîmes Métropole, avec le soutien de la Région Occitanie, ont organisé à Nîmes une journée immersive « Innover avec la robotique médicale : des opportunités pour notre territoire ». Acteurs hospitaliers, industriels et institutionnels ont dressé un état des lieux contrasté de la robotique médicale en France. Si le CHU de Nîmes démontre l’efficacité économique et clinique de cette technologie avec 5000 patients opérés par robot et une économie sur certaines interventions pouvant aller jusqu’à 8 000 euros par intervention pour l’Assurance Maladie, les freins médico-économiques continuent de ralentir son déploiement sur le territoire national. La conférence a également mis en lumière les succès de l’écosystème occitan, notamment celui de Quantum Surgical, dont les robots ont traité leur 1000e patient en 2025.
Le CHU de Nîmes s’est imposé sur le sujet de la robotique médicale. « Nous réalisons 600 à 700 interventions chirurgicales par an avec des robots », a rappelé Frédéric Rimattei, son directeur général. En 2025, l’établissement a franchi un cap symbolique. « Nous avons atteint le 5000e patient opéré avec un robot », a annoncé le professeur Stéphane Droupy, chef de service urologie au CHU de Nîmes, un des pionniers dans le déploiement de la robotique chirurgicale dans la pratique clinique. Cette activité soutenue témoigne de l’intégration réussie de la robotique dans les pratiques chirurgicales de l’établissement nîmois.
« Pour l’établissement, une intervention en chirurgie robotique, c’est 3 700 euros en plus mais…»
L’analyse économique présentée par Stéphane Droupy illustre le paradoxe médico-économique de la chirurgie robotique. Si l’intervention coûte effectivement 3 700 euros de plus à l’établissement, elle génère une économie substantielle pour l’Assurance Maladie. « Le patient en chirurgie robotique coûte 22 000 euros, contre 30 000 euros en chirurgie ouverte », a-t-il précisé, soit une économie de 8 000 euros grâce à la réduction de la durée d’hospitalisation et des complications post-opératoires. Le chirurgien a également souligné que l’acquisition d’un deuxième robot peut s’avérer rentable pour l’établissement : « L’établissement ne perd pas d’argent avec un deuxième robot, il en gagne plus en pouvant faire des interventions plus complexes et coûteuses. »
Malgré cette rentabilité démontrée, les inégalités territoriales persistent. Jean-Claude Couffinhal, président de la commission innovation à l’Académie Nationale de Chirurgie, a alerté sur les disparités d’accès à la robotique médicale en France. « Nous avons un taux de 40% de chirurgie résiduelle en France, on plafonne », a-t-il souligné. La situation est d’autant plus préoccupante que « deux régions restent sans robots », creusant les écarts entre territoires.
La robotique médicale ne se limite pas au bloc opératoire
Les obstacles médico-économiques freinent l’innovation. Stéphane Droupy a illustré ce constat à travers l’exemple de l’Aquabeam. « Nous avons voulu l’intégrer au CHU mais nous avons eu un refus de remboursement, alors qu’il est remboursé aux États-Unis, en Espagne et en Allemagne », a-t-il déploré. Ce dispositif développé par une société américaine « est tombé à l’eau » en France. Pour le chirurgien, le diagnostic est sans appel : « Le problème de la robotique médicale, ce sont les aspects médico-économiques. »
La robotique médicale ne se limite pas au bloc opératoire. Le CHU de Nîmes a robotisé sa pharmacie dès 2011. Jean-Marie Kinowski a présenté les développements en cours comme le système ASSA – Armoires de Service Sécurisées Automatisées – « capable de créer automatiquement des piluliers ». L’enjeu est majeur en matière de sécurité des soins : « Les erreurs médicamenteuses constituent la deuxième cause d’évènements indésirables. La robotisation apporte standardisation et traçabilité complète du circuit. »
« En fait, ce ne sont pas des robots, ce sont des cobots »
Pourtant, le terme « robot » mérite d’être nuancé. Julien Frandon, responsable des organisations en imagerie interventionnelle au CHU de Nîmes, a développé une grille d’évaluation de l’autonomie des dispositifs en imagerie interventionnelle. « Nous avons développé une échelle du robot pour évaluer l’automatisme et au maximum, nous sommes à 4 sur 10 », a-t-il précisé. La conclusion s’impose : « En fait, ce ne sont pas des robots, ce sont des cobots », des assistants collaboratifs nécessitant encore une intervention humaine importante.
L’avenir de la robotique médicale réside dans l’exploitation des données générées. Julien Frandon a expliqué l’émergence de nouveaux modèles économiques : « Ce nouveau robot nous est vendu moins cher en échange de nos données d’utilisation, sans bien sûr toucher aux données patients. » Cette stratégie permet aux industriels d’améliorer leurs dispositifs : « Grâce à cela, les industriels vont améliorer l’aide fournie par le robot en entraînant ses algorithmes avec des données récupérées automatiquement. » Arnaud Tellier, VP Product Strategy chez AcuSurgical, a renchéri : « Le vrai intérêt de la robotique, c’est la partie digitale, en apprenant de ce que nous faisons en post-opératoire. »
L’intégration de la robotique soulève également des enjeux organisationnels et humains. Arnaud Plard, cadre de santé au CHU de Nîmes, a insisté sur la dimension collective du projet : « Il faut que cela soit un facteur de cohésion, pas de division. » La planification constitue un défi majeur : « Il faut aussi adapter les programmes opératoires car programmer un patient sur une chirurgie robotique doit se planifier très en amont. » Mélodie Martinez, infirmière au CHU de Nîmes, a témoigné de l’impact sur les pratiques professionnelles : « La robotique a fait évoluer le métier d’infirmier, avec la présence de nouvelles personnes en salle et plus de matériel. »
1000e patient traité en 2025 par le robot Epione
L’écosystème occitan compte un fer de lance industriel : Quantum Surgical. Bertin Nahum, son CEO et co-fondateur, a annoncé des résultats impressionnants pour cette société montpelliéraine. « En 2025, nous avons traité le 1000e patient avec le robot Epione, avec une vingtaine de robots installés », a-t-il déclaré. La société a obtenu rapidement les marquages réglementaires majeurs en Europe, aux Etats-Unis et en Chine et a su évangéliser la robotique dans un domaine nouveau pour cette technologie, l’oncologie et les tissus mous. Son développement s’accompagne d’un ancrage territorial fort : « Nous comptons 145 employés, dont 125 à Montpellier et 20 à Miami. »
Quantum Surgical se distingue aussi par un développement rapide et singulier, a l’instar de l’acquisition cet été de Neuwave, société américaine leader dans la production d’aiguille de microondes. « Hormis le cas particulier d’Intuitive Surgical, ce sont dans les tissus durs que l’on a vu une démocratisation de la robotique avec dans la plupart des cas des sociétés spécialisées dans les implants qui rachètent des sociétés en robotique. » explique Bertin Nahum. “Elles ont mis en place un modèle économique ressemblant à celui des imprimantes, lié au nombre de consommables que l’on vend. Avec le rachat de Neuwave, nous maîtrisons la chaîne complète, le robot et ses consommables, les aiguilles. »
France 2030 soutient l’innovation de rupture en robotique médicale
La stratégie nationale France 2030 entend soutenir cette dynamique. Camille Tuvi, pilote des Grands Défis « Robotique chirurgicale / Bloc opératoire augmenté » à la Direction Générale des Entreprises, a annoncé qu’« un appel à projets en cours de finalisation sera là pour soutenir les innovations de rupture dans les dispositifs médicaux implantables et la robotique chirurgicale. » L’objectif affiché est ambitieux : favoriser le développement de robots chirurgicaux de nouvelle génération. Les moyens mobilisés visent à « réduire le temps de mise sur le marché, renforcer la recherche partenariale et permettre l’accès aux données homogènes. »
Cette journée d’innovation organisée par Eurobiomed, le CHU de Nîmes, Robotics Place et Nîmes Métropole, soutenue par la Région Occitanie, a démontré la vitalité de l’écosystème innovation en santé du sud de la France. Eurobiomed, qui agrège la communauté de l’innovation en santé des régions Sud – Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Occitanie et poursuit son objectif de faire émerger des champions mondiaux comme Quantum Surgical. « Cette conférence a permis un dialogue essentiel entre acteurs hospitaliers, industriels et institutionnels pour identifier et lever les freins médico-économiques au déploiement de la robotique médicale sur le territoire national » a expliqué Emmanuel Le Bouder, directeur communauté d’Eurobiomed.
« Un des enjeux de la robotique médicale est que nos établissements lui fassent un accueil favorable » conclut Frédéric Rimattei. « Il est essentiel pour cela de partager les expériences forcément très différentes de chacun de nos professionnels, y compris sur les échecs, qui sont toujours très instructifs. Dans le cas de la robotique médicale comme dans d’autres, les questions d’argent sont bien sûr essentielles, mais le point majeur est avant tout le management de l’innovation ».

