EQUIVALENCE DE MATERIAUX

Résumé

Dans le cadre de l’évaluation de la biocompatibilité d’un dispositif médical, une des premières étapes du processus est la caractérisation chimique des matériaux, décrite par la norme ISO 10993-18. Les informations collectées constituent une base pour la caractérisation des dangers, il est donc important de la réaliser sur un dispositif et des matériaux le plus représentatif possible de celui qui sera mis sur le marché et qui sera effectivement en contact avec les patients. Cependant, sur le terrain, les conditions économiques et techniques donnent parfois lieu à des changements de références pour différentes raisons : pénuries de matériaux, sélection d’un matériau plus performant, changement d’adjuvent de fabrication, etc.

Alors comment faire pour montrer que la batterie de tests réalisée est toujours applicable malgré ces changements ? Comment éviter de devoir relancer des tests déjà effectués ?

Dans quel contexte l’équivalence de matériau est-elle pertinente ?

La caractérisation chimique des matériaux est décrite par la norme ISO 10993-18. C’est une étape cruciale du processus d’évaluation biologique qui passe par l’identification physique et chimique des matériaux constitutifs du dispositif médical en première intention, et qui se poursuit la plupart du temps par une étude d’extractibles et/ou relargables de ces matériaux en laboratoire. Les informations collectées constituent une base pour la caractérisation des dangers, et permet par la suite de déterminer les essais d’évaluation biologique pertinents. Il est donc important de la réaliser sur un dispositif et des matériaux le plus représentatif possible de celui qui sera mis sur le marché et qui sera effectivement en contact avec les patients. Dans le cas ou un changement quelconque survient, il faut donc s’assurer que l’évaluation précédemment établie est toujours applicable à la suite de ces modifications.

Sur le terrain, les fabricants font face à des conditions économiques et techniques qui donnent parfois lieu à des changements de références pour différentes raisons :

Pourquoi faut-il faire une équivalence de matériau ?

L’équivalence de matériau sert à justifier des questionnements tels que :

Dans le cas où l’équivalence peut être établie (eg. il y a suffisamment de données et d’arguments en faveur de l’équivalence), le processus permet alors de s’affranchir de relancer les tests en question : cela permet donc de réaliser des économies de temps et d’argent.

Comment réaliser une équivalence de matériau ?

Afin d’apporter une justification probante, il ne suffit pas de montrer que la composition du matériau est la même : une analyse plus poussée et plus spécifique permettra d’éviter au maximum les non-conformités lors des audits.

Par exemple, dans le cas d’un changement de matériau pour un autre matériau qui semble identique en termes de composition, il convient de s’assurer aussi que ce second matériau est équivalent en termes d’impuretés et autres traces de composés non intentionnellement ajouté. En effet le fournisseur A et le fournisseur B n’ont pas nécessairement le même procédé de fabrication, pouvant induire des différences de composés qui seront potentiellement en contact avec les patients.

De la même manière, en cas de changement d’un adjuvant de fabrication, l’objectif sera de démontrer que le nouvel adjuvant ne va pas apporter de nouvelles molécules potentiellement toxiques.

L’équivalence doit être démontrée pour chaque test que l’on souhaite conserver, en utilisant des arguments appropriés.

Où trouver les données pertinentes ?

Les informations nécessaires à la justification d’une équivalence peuvent provenir de deux sources principales :

Le fabricant de la matière première peut avoir à disposition toute sorte donnée : essais de biocompatibilité, caractérisations chimiques, etc. Toutes ces données sont pertinentes et viendront renforcer la véracité scientifique de l’équivalence. Par exemple, si le fabricant a réalisé un essai d’irritation cutanée sur le matériau « de remplacement » et que le dispositif a été considéré comme non irritant avec l’ancien matériau, il est raisonnable de considérer que le changement de matériau n’affectera pas les résultats d’irritation cutanée.

Au cours des années, de nombreuses données de toxicologie sur diverses substances ont été générées et sont accessible dans les bases de données des institutions relatives à divers secteurs (pharmaceutique, alimentaire, cosmétique, etc.). Ces données peuvent également être utilisées pour démontrer l’équivalence d’un matériau. Par exemple, si un adjuvant est ajouté dans le procédé de fabrication, il est possible, sur la base de d’essai expérimentaux fiables trouvés dans ces bases de données, de montrer que ce nouvel adjuvant n’est pas irritant pour la peau et que son ajout n’affectera pas les résultats d’irritation cutanée précédemment obtenus.

Quelles informations faut-il recueillir ?

Afin d’établir au mieux l’équivalence, voici les informations principales et nécessaires à récolter :

La composition précise en pourcentage de masse de chaque substance présente dans le matériau doit être disponible. Également l’identité chimique de chacune de ces substances doit être connue (numéro CAS et/ou formule chimique). Ces informations permettront de comparer le nouveau matériau à l’ancien en termes de composition.

Les impuretés, traces et éventuels contaminants du matériau doivent être disponibles : en effet, ces éléments peuvent avoir un impact non négligeable sur l’éventuelle toxicité du produit.

Il est intéressant de générer un profil toxicologique pour chacune des substances composant le matériau : grâce à celui-ci, les dangers intrinsèques à chaque substance seront caractérisés et pourront être mis dans la balance en faveur ou non de l’équivalence. Toutes les données de toxicité locale (irritation cutanée et oculaire, sensibilisation), sévère (génotoxicité, cancérogénicité, toxicité de la reproduction et du développement) et systémique (pour des expositions aiguës à chroniques) sont recensées.

Quelques exemples concrets

Mon dispositif contient du plastique A. Mon fournisseur actuel de plastique A est en rupture de stock : je me tourne donc vers le fournisseur B. Afin de m’assurer que ce changement n’aura pas d’impact sur les essais de biocompatibilité réalisés avec le plastique A, je récupère :

Si la composition, les impuretés et les contaminants du plastique B sont identiques à ceux du plastique A, alors l’équivalence peut être établie.

Je choisis de rajouter une étape de nettoyage lors de la fabrication de mon dispositif. Cette étape de nettoyage implique un détergent composé d’une substance chimique identifiée. Afin de montrer que mon essai d’irritation cutanée réalisé sans cette nouvelle étape de nettoyage est toujours valable, je réalise le profil toxicologique de la substance. Les données disponibles dans la littérature chez l’animal montrent une absence d’effet irritant et l’essai en question est fiable. Il est raisonnable de considérer que ce nouveau détergent n’affectera pas les résultats d’irritation cutanée.

Comment faire lorsque les données ne sont pas disponibles ?

Il arrive cependant de ne pas arriver à récolter ces données pour différentes raisons : le fournisseur ne les a pas ou ne veut pas les transmettre, la composition n’est pas bien définie, aucune donnée n’est disponible dans la littérature, etc.

Dans ce cas, avant de relancer tous les tests, il peut être intéressant de réaliser une nouvelle étude d’extractibles/relargables en suivant le même protocole que précédemment. Il faudra alors comparer les résultats des deux études extractibles, et tenter de montrer que ce changement de matériau ou de procédé n’a pas affecté la caractérisation chimique du dispositif.

Autrice : Manon Averseng
Responsable toxicologie et écotoxicologie, Toxi Plan